- date_range 4 déc. 2025
- toc Les brèves d'UMEO
- favorite 0 Likes
- remove_red_eye 80 Vues
- comment 0 Commentaires
Comment réagir lorsqu’un comportement s’intensifie juste au moment où l’on tente de le réduire ? Ce phénomène, souvent déroutant pour les proches et les professionnel·le·s, porte un nom : le burst d’extinction. Pour le comprendre, il faut d’abord revenir sur le protocole d’extinction lui-même, un protocole central en analyse appliquée du comportement (ABA) et en thérapie cognitive et comportementale (TCC).
Le protocole d'extinction et le burst d'extinction
Le protocole d’extinction vise à diminuer un comportement problématique en modifiant les conséquences qui le maintenaient.
Prenons un exemple simple. Un·e enfant crie pour obtenir un bonbon, et l’adulte finit par le lui donner. Le cri est donc renforcé il « fonctionne ». Notons que de son côté, l'adulte est probablement renforcé par la suppression des cris dans son environnement.
Une procédure d'extinction consisterait à ne plus donner le biscuit après un cri. Peu à peu, ce comportement perdra de son efficacité et finira par disparaitre.
Mais entre la mise en place et le résultat, une étape transitoire où le comportement s'intensifie est presque toujours présente : c'est le burst d’extinction.
Le burst d’extinction (ou pic d’extinction) désigne l’augmentation temporaire en fréquence ou intensité d’un comportement lorsque le renforcement est retiré. On peut également observer la mise en place de nouveau comportement proche du comportement original.
L'organisme, redouble d’efforts pour obtenir ce qu'il obtenait précédemment. C’est une réaction naturelle normale et qu'on peut anticiper. Quand un comportement qui “marchait” cesse de produire ses effets, l’organisme tente de « réparer la machine ». Il essaie encore, avec plus d’énergie, avant d’abandonner.
Voici un exemple du quotidien pour illustrer. Tout les jours, lorsque je me rends dans mon bureau, j'appuie sur l'interrupteur qui allume la lumière. Tout les jours, lorsque j'appui sur cet interrupteur, la lumière s'allume, ce qui renforce mon comportement. Un jour, en arrivant gaiement à mon bureau, j'appuie sur l'interrupteur et là c'est le drame : la lumière ne s'allume pas. Mon premier réflexe est d'abord de réappuyer de plus en plus fort sur l'interrupteur : c'est le burst d'extinction. Au bout de quelques essais, mon comportement n'est toujours pas renforcé et je vais mettre en place de nouveaux comportements pour obtenir l'allumage de la lumière (aller vérifier le compteur électrique par exemple): c'est la variabilité comportementale.
Ce burst d'extinction, bien que normal, peut être particulièrement difficile à vivre pour les proches ou les accompagnant·es car il donne l’impression que la situation empire. En réalité, c’est souvent le signe… que le processus fonctionne.
Le burst d’extinction fait partie du processus d'extinction. Il ne signifie pas que le protocole est mal appliqué, mais qu’il est en train d’agir.
Que faire en tant que professionnel·le ?
Lorsque nous proposons un protocole d'extinction, en tant que professionnel·le avisé·e nous expliquons tout le protocole sans omettre le burst d'extinction. Il est important que les personnes soient au courant et prête à endurer une augmentation de l'intensité du comportement.
Il est particulièrement important de faire attention à un point critique : si le comportement est renforcé durant le burst (parce qu'on "craque" par exemple), alors on fait pire que mieux. En effet, ce qui sera renforcé n'est plus le comportement initial mais le comportement plus intense !
Un autre effet de ce renforcement aléatoire est d'inscrire le comportement dans un programme de renforcement variable ce qui va le rendre plus difficile à éteindre (un comportement renforcé de façon aléatoire est plus résistant à l'extinction, c'est d'ailleurs un des mécanismes centraux des casino et jeux d'argents).
Pour éviter cela, il est essentiel d'identifier les situations où la personne risque de ne pas être constante et de réfléchir à des stratégies pour gérer ces situations.
Un autre levier d'action en tant que professionnel est de ne pas simplement proposer un protocole d'extinction mais de proposer un protocole de renforcement différentiel (pour en savoir plus, c'est ici).
Enfin, nous pouvons encourager les personnes à avoir une approche rigoureuse. Noter la durée, la fréquence et l'intensité du comportement cible permet de savoir si l'extinction fonctionne et de maintenir la motivation.
Vignette clinique
Mme M. constate que depuis quelques temps ses filles demandent des bonbons en hurlant dans la voiture lorsqu'elle les ramène de l'école. L'analyse fonctionnelle a mis en évidence que le comportement de hurlement est renforcé par la délivrance des bonbons. De son côté Mme M. témoigne qu'elle n'en peut plus et que c'est "la seule solution pour avoir un peu de calme".
Inviter les parents à noter les comportements — fréquence, durée, intensité — aide à visualiser les progrès. Voir que le pic retombe, même lentement, redonne confiance et permet d’ajuster la stratégie si besoin.
Accompagner une famille à travers un burst d’extinction, c’est comme tenir la barre d’un bateau dans une mer agitée. On garde le cap, on rassure l’équipage, et on sait que la tempête finira par passer. Le rôle du ou de la professionnel·le n’est pas seulement technique : il est émotionnel, relationnel et pédagogique. C’est elle ou lui qui aide les parents à transformer un moment de tension en preuve que le changement est en marche.
Le burst d’extinction n’est pas un échec du protocole — c’est son passage obligé. Prévu, accompagné et compris, il devient une étape de transition entre un ancien mode de communication inefficace et un comportement plus fonctionnel. En d’autres termes : avant que ça s’éteigne, ça s’enflamme. Mais avec cohérence, bienveillance et un accompagnement éclairé, la flamme s’éteint… pour de bon.
Commentaires (0)